Explications

Publié le par Laurence Tissot

Beaucoup de gens me demandent ce que je traverse, et jusqu’ici, j’étais restée très évasive sur les problèmes que je rencontrais, les situations délicates dans lesquelles je me trouvais. D’abord, parce que c’est long à expliquer, et aussi, parce que ce n’est pas évident. J’entends par là, décrire des situations qui ne correspondent pas à notre entendement. Mais aujourd’hui, je pense qu’il faut que je m’explique sur ce qui se passe réellement ici.

 
Je disais dans un précédent article que je me retrouvais dans des situations qui m’échappaient. Voilà de quoi je voulais parler :
Alors, dans le désordre.
Elément 1 : Déjà, je n’ai rencontré que des hommes ici (il y a 2 hommes pour une femme ici, mais à croire que la femme se cache !) Ce qui n’est pas un problème en soi, dans l’absolu. Sauf quand ça dégénère. Et là, c’est le cas. Ca a dégénéré de partout. J’avais rencontré un copain koweitien. J’ai dû couper les ponts après qu’il m’ait fait des avances pas très catholiques. J’ai dit non une fois, je pensais que les choses étaient claires. Apparemment pas. Et il trouve en plus le moyen de m’engueuler parce que je suis pas open-minded ! Bon, tu le prends comme ça, salut ! Expérience similaire avec 2 autres « copains ». Ce qui ne serait pas un problème en soi, si j’avais le choix de mes amis, si j’étais en France. Ici, je n’ai que quelques relations, pas évidentes, et j’ai dû y renoncer. C’est dire si le vide pèse encore plus.
 
Elément 2 : je suis sans cesse regardée, détaillée, déshabillée, molestée du regard. Parce que je suis blanche. Blonde. Aux yeux bleus. J’en sais rien. Tache dans le décor. Alors encore une fois, ça m’arrivait aussi en France, mais là, c’est différent. Chaque sortie devient une mission commando que j’intitule « Narta, bien dans ma tête, bien dans mon corps, j’assume ! » A la fin de la journée, quand même, ça pèse. Elément 2 + élément 1 = pas à l’aise dans mes baskets, tout de même…
 
Elément 3 : J’en ai pas parlé, pour affoler personne (ma pauvre mère va mourir en lisant cet article…), mais au début de mon séjour ici, Asif, mon ange gardien, s’est carrément jeté sur moi… Bon, j’ai dû mettre les choses au point avec lui, mais j’avoue que la situation était quelque peu stressante, dans la mesure où il mesure 1m90 et où l’on vit ensemble… Maintenant, je tiens à rassurer tout le monde, notre relation est très claire, et il se contente d’aller voir des prostitués 3 fois par semaine. Tout le monde est content.
 
Elément 4 : ces dernières semaines, tout s’est précipité. A l’entrée de notre résidence, des gardiens se relaient toute la journée pour contrôler les arrivants. Dernièrement, un gardien en particulier me faisait des avances. Rien de bien méchant. Mais lourd, le gars. Du genre, huuum, t’es sexy, huummm, tu me plais, huuummm je me touche en pensant à toi, hhuummm, tiens, tu vas attendre 2 minutes pour que je t’ouvre la barrière d’entrée. Lourd. Surtout quand je rentre tard et que je suis seule, dépendant de son bon vouloir pour m’ouvrir ou non la barrière. Pas très commode, comme situation (surtout quand on pense aux éléments 1, 2 et 3). J’en ai parlé à mon entraîneur, avec qui j’ai une bonne relation. Qui en a parlé à son supérieur. Qui en a parlé au supérieur du gardien. Et voilà que je suis convoquée pour faire une déposition contre le gardien ! Mais j’ai rien demandé, moi ! Et puis je commence à comprendre comment ça marche ici. Si une femme blanche se plaint d’un ouvrier, du Bangladesh, en l’occurrence, le type retourne illico presto d’où il est venu, sans passer par la case départ. J’essaie de calmer le jeu, j’aime pas quand les choses s’emballent comme ça, on est des adultes, je vais lui parler, lui dire d’arrêter ses avances, et voilà. Erreur numéro 2. La numéro 1 a été de dire bonjour en souriant. C’est ainsi, ici. Faut que j’apprenne ça. Dire bonjour en souriant équivaut à me foutre à poil et à dire « je suis libre si tu le veux ». J’arrive pas à m’y faire. Je reste une indécrottable femme polie et sociale, excusez-moi du peu. J’essaie d’avoir une conversation raisonnable avec le gars, il s’entête, se fout de mon avertissement. Résultat, le lendemain, je rencontre le grand patron qui me dit que des sanctions vont être prises, etc. Tout le monde s’en mêle, y va de son commentaire. Je me sens coupable. Juste parce que j’ai souri. Juste parce que j’ai dit bonjour. Et juste parce que j’ai parlé de la situation à quelqu’un. Les choses m’échappent. J’insiste pour qu’il ne soit pas viré. J’obtiens au moins cela. Il sera transféré le lendemain à l’autre bout de la ville… Pfff. No comment. J’avoue que cet épisode délicat ne m’a pas aidé à reprendre du poil de la bête. Et tous les employés de me remercier à grands renforts de « thank you maam (madame) for being so nice with him… » Ouais, on n’a décidément pas la même échelle de valeurs.
 
Elément 5 : Le lundi après-midi, les filles ont cours de tennis. Le prof de tennis m’a gentiment proposé de me donner des cours particuliers. Je lui dis, oui, sure, avec plaisir ! On se met d’accord, je dois le rappeler pour fixer un jour. Et ce con, il m’envoie un message disant qu’il allait m’acheter une raquette. Oh non… Je lui réponds, Ecoute non, t’es fou, ne m’achète pas de raquette, stp ! Et lui me dit, oh mais si, tu es si gentille, tu me plais… Pays de psychopathes. J’ai dû en parler à mes boss. Encore. Voilà mon lot quotidien. Passer une demi-heure à expliquer que ça ne sert à rien de m’acheter une raquette juste parce que je suis gentille. Qu’il ne faut pas songer à m’acheter. Et que je peux accepter de voir quelqu’un sans qu’il pense de suite à me sauter dessus !
 
Résultat, après 6 semaines ici : j’ai dû renoncer à voir mes soi-disant amis, je ne parle plus à personne, et je déprime.
Et j’arrive au summum :
 
Elément 6 : hier, jour de repos. Je devais me rendre à Oman, traverser la frontière, pour avoir un nouveau visa, le mien allant expirer dans 3 jours et me mettre en position irrégulière. Je décide de partir seule (après tout, c’est toujours ainsi que je me sens le mieux), et de traverser la frontière à Meziah, après avoir visité Al-Ain. Finalement, je décide de faire l’inverse. D’abord traverser la frontière. Une simple formalité. Qui m’a pris 4 heures. 4 heures de stress, de honte, à ma faire trimbaler partout. On me demande de sortir dans la voiture. On me fout seule dans une pièce où tout le monde fume. Parce que les papiers de la voiture n’étaient pas à mon nom. Soi-disant. Moi, je pense que c’est à cause mon faciès, de ma peau, de mon nom. J’avais pourtant mis un pantalon, un haut à manches longues, et attaché mes cheveux. Mais dur dur, quatre heures, à expliquer, à insister, à parler à des hommes qui ne parlent pas un mot d’anglais, au milieu de la sueur, de la chaleur, des regards, des questions auxquelles je ne comprends rien. Ca avait un arrière-goût de Midnight Express, version moderne, et sans la drogue. J’ai passé un mauvais moment. Je vous assure. Après mes 4 heures au poste de frontière, au milieu d’hommes plus ou moins mal attentionnés, j’ai soufflé un bon coup. Je ne voulais pas renoncer. Même s’il était tard, j’ai décidé d’aller visiter le Musée National d’Al Ain. Histoire de dire, j’ai fait quelque chose pour moi aujourd’hui. Je gare la voiture, il me fallait marcher 10 minutes pour me rendre au musée. 10 minutes sous le regard insistant, encore, de ces hommes. Là, je commence à saturer. Dubaï, ça passe encore, il y a des étrangers, ils sont habitués. Mais Al-Ain ! Et là, le bouquet final !
 
Elément 7 : Je rentre dans le musée, seule (pour l’anecdote, il y avait une femme à la réception ! C’est ça, l’anecdote, voir une femme !). Il y avait juste le Security man. Je voyais bien qu’il me suivait dans toutes les pièces, mais je pensais, ok, il fait son job, il s’assure que je ne touche à rien, que je ne prends pas de photos avec flash. Et là, tout à coup, sans prévenir, le gars s’approche et me dit : « je vous trouve sexy ». Pardon ???????????????? Et il se jette littéralement sur moi, m’embrasse, essaie de m’enlever mes vêtements. Le cauchemar absolu. Moi, perdue, seule. J’arrive à m’en dépêtrer, je pars en courant de ce musée, il trouve le temps de me lancer un « please don’t complain ! » Mais va te faire foutre ! Toi et les autres ! Pays de tarés ! D’attardés !
 
Voilà, en gros. De quoi est fait mon quotidien. Vous savez maintenant. Et vous saurez lire entre les lignes. Tout ce que cela suppose. Pour une femme. Pour n’importe quelle femme. Pour moi. Je vais essayer de faire avec. J’avoue que cela remet en question pas mal de choses. Et qu’il n’est pas évident d’être une femme ici. Encore moins quand on est blonde aux yeux bleus, la peu claire, j’en suis convaincue.
 
 
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B
salut laurence,je suis nouvelle sur ton blog j aime bien te lire , expat dans les pays du golfe depuis 4 ans a oman actuelement je comprends ce que tu vis...mais sache que cest les debuts , toute transition est dure a gerer plus tard tu souriras de ces aventures et je te paries meme que tu auras la larme a l oeil en pensant a tes aventures moyen - orientesque si si crois moi , tu vasapprendr a gerer caet dansquelques tempsplusrien ne te choquerascat blindee tu seras et meme que tu feras de belles rencontres, en tout cas moi jhabite a salalah avec mon mari et ma fille et tu es la bienvenue chez moi pour des vacances , voila courage courage
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J
le degré de misère sexuelle de ces hommes du golfe doit étre le plus fort du monde.... si triste, surtout si tu en fais les frais.<br /> <br /> essaye de porter une alliance, cela peut les décourager... enfin j'espère.<br /> te savoir marier, cela peut leur faire croitre qu'un homme pas loin peut casser la gueule aux inconvenants...<br /> <br /> courage sinon
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C
hello laurence !!! le malheur des uns fait le bonheur des autres.. (je sais plus de quel philosophe c'est celle-là), bref ce que je veux dire c'est que j'ai parlé de ton expérience a des copines que j'arrive pas a caser, et depuis notre discution au sujet de ton expérience, elles ont déja pris un vol pour dubai... comprends pas..<br /> tiens le choc, c'est pas forcement drole, ca fait un peu flippé.. je te propose la solution "je ne m'épile pas pendant 2 mois et je mets des débardeurs", tu m'en diras des nouvelles... tiens bon, on est tous derriere toi !!!
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D
Salut p'tit'soeur,<br /> je suis admiratif de ta capacité à gérer ces situations de dingues! "Pays de tarés" semble un euphémisme! Je ne sais pas si tu connais florian Zeller mais dans la "fascination du pire" il en parle très bien et de façon juste (je trouve). J'espère pour autant que tu vas continuer de profiter du lieu, de visiter, de sortir, de vivre en fait, qu'ils ne t'auront pas! Je pense à toi et dès que je suis sur internet(autrement dit pas chez moi, ça ça n'a pas changé), je vais lire tes nouvelles aventures au pays où tout est demesuré surtout la bétise humaine.<br /> Garde le moral!<br /> A bientôt<br /> David
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C
Au lieu de faire ton sport de tapette à raquette, tu aurais mieux fait de prendre des cours de karaté... ça te servirait aujourd'hui !<br /> Ma pauvre Lau, devenue objet sexuel au milieu de ces rustres... y a de quoi péter un cable.<br /> Tiens bon et reste prudente...<br /> <br /> your coach à raquette...
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